Je sais
bien que parfois je joue ma brave, ma coriace, mon endurante, car je refuse
avant tout qu’on s’apitoye sur moi, qu’on pense devoir me conseiller, m’éviter
un chagrin, un souci !
Mais il
est vrai, que ne compter que sur moi (ou presque), aura permis l’avantage de ne
rien devoir à personne, et une certaine liberté qui en découlait. Mais aussi, d’acquérir
face à des situations que je trouvais à risques, une assurance certaine, ou une
certaine assurance (c’est selon)...
Ne pas
compter sur les autres, c’est aussi savoir qu’on saura faire face si ceux-ci se
désistent ou ne font pas réellement preuve de constance, pire... de compétence.
Et là « bonjour les embrouilles ».
Et toi...
tu es venu avec toute ta superbe attitude, ton obstination à faire en sorte que
j’aie confiance en toi, confiance en ton courage, en ta force, en ta façon de
voir les choses (bien moins alarmiste que la mienne, il va sans dire)...
Tu m’as
démontré que s’appuyer sur l’autre, lui attribuer un droit de regard, de
critique, de faire, est une opportunité très bonifiante pour la relation, mais
aussi pour soi.
J’avais choisi
d’emblée l’option de ne rien te cacher, pour rester celle que je suis (qui
comprend bien des défauts), afin que jamais tu n’aies à penser que je t’aurais « trompée
sur la marchandise », mais aussi car dans ma précédente relation j’avais
camouflé mes attentes, enterré mes désillusions, ravalé mes colères, pour me
diluer dans cette femme que je m’efforçais de paraître, qui ne réclame jamais,
ne demande rien pour elle surtout, endosse toutes les tâches, et faisait croire
à son bonheur, qu’elle s’était créé (et imaginé) toute seule finalement.
Les débuts
furent difficiles, j’en conviens. Car chaque fois que tu émettais un avis,
aussi timide fut-il, ça me bousculait dans mes convictions, chamaillait la
surface lisse de ce précédent couple que je composais encore (et de ma famille)
et que je voulais sauvegarder, et quand carrément tu n’enfilais pas de gant
pour me faire admettre ton point de vue, je me retrouvais ko, comme frappée d’un
violent uppercut.
De l’agacement
initial à l’affrontement douloureux, en passant par les silences lourds de
reproches, aux larmes amères, j’en suis arrivée à trouver dans ce mode de faire
un filon précieux... celui de la confiance en l’autre. L’entière confiance.
Celle où l’on se persuade à juste titre, non pas que l’autre ne peut pas fauter
et donc nous faire du mal, mais qu’il souhaite de toutes ses forces que jamais
ça n’arrive, car il a conscience de l’importance qu’il a pour nous, et qu’il en
tire lui-même un délicieux et serein plaisir. Qu’en aucune façon il ne voudrait
voir ça remis en cause...
Je me suis
donc confiée à toi, par mes mots dits, écrits, chuchotés, répétés, dans des
phrases parfois si alambiquées, que tout autre que toi y aurait perdu son
latin. Mais tu as suivi, docile dans ta conviction de fidèle compagnonnage,
puis plus bravache quand il s’agissait de m’encourager à prendre soin de moi,
parfois féroce alors que je me dénigrais, souvent terriblement conciliant dans
la résolution de nos problèmes relationnels, mais surtout indéniablement constant
dans la sincérité de vouloir être toujours là pour moi.
Désormais,
j’en suis devenue dépendante, et je te confie tout, et encore plus, allant
jusqu’à te saouler d’anecdotes plus ou moins ridicules de ma vie,
disproportionnant à l’envie mes états d’âme quand je ne sais plus gérer mes
sentiments (de maman, notamment), te narrant dans le détail des trucs
complètement loufoques dont tu ris à gorge déployée tant tu me trouves alors
gamine, déphasée, dépassée, apeurée d’un rien.
Parfois,
souvent même, je vais là où aucune autre n’aura été en toi, je le sais. Dans
ces petits recoins, autrefois perclus de méfiance contre celles qui auraient pu
mal y faire, et dont tu t’es trop bien gardé de permettre l’approche. Et alors
tu souris, tes yeux sourient, gagnés de lumière, tu es comme un enfant qu’un
cadeau démesuré effraye d’incompréhension, qui se dit « c’est pour moi ?
C’est trop beau... c’est trop grand... »
Et dans ces moments-là, moi qui suis restée dans mes instincts celle qui ne se confiait jamais à l’autre (confier = s’en remettre à l’autre, s’abandonner à l’autre), je me sens gagnée soudain d’une complice confiance infinie, et convaincante, et je me sens alors tellement différente. Toute chose, toute bête !
Parfois c’est
si simple le bonheur. C’est juste prendre conscience que l’autre ne te veut
aucun mal, et qu’il veut être là, pour toi.
Toi, tu es
là et, toi, tu me vois.
Toi, tu es
là, pour moi. Je suis tellement chanceuse, surtout depuis que je suis
consciente des choses et que je m’en suis convaincue.
Toi, tu es
là, comme personne jamais ne l’a été avant toi.
Toi, tu es
là, et merci ne suffit pas.
Toi,
Mohand, tu es là, et je peux enfin fermer les yeux. Tu guides mes pas...